Congoscope

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mardi, octobre 10, 2006

Les défis communicationnels de Joseph Kabila

Version Originale du 26/09/2006


Les lampions du premier round électoral se sont éteints , dessinant la nouvelle cartographie politique congolaise . Au regard des résultats tant de la présidentielle que de la cuvée législative , un podium identique , véritable triumvirat de l'échiquier politique s'est modelé : L' AMP , plate forme électorale soutenant JKK ( Joseph Kabila Kabange) s'établit comme première force politique , auréolée des 44 , 8 % récoltés par le candidat N° 7 et de ses 227 sièges au nouveau parlement , elle est suivie en seconde position par le RENACO , regroupement politique autour de JPB ( Jean Pierre Bemba ) arrachant lui 114 strapontins parlementaires et propulsant son candidat favori au second tour avec plus de 20 % des suffrages . La médaille de bronze revient au PALU fort de l'excellent score réalisé ( 13 %) par son chef historique Antoine Gizenga et des 34 sièges récoltés dans le nouvel hémicycle . Le 29 octobre , date du second round électoral connaîtra le deuxième tour de l'élection présidentielle ainsi que l'élection des Assemblées provinciales .

Dans les états majors politiques , l'heure est au bilan et à l'échafaudage de nouvelles stratégies politiques et communicationnelles pour décrocher la magistrature sûpreme . JKK et sa famille politique qui ont réalisé le double quasi parfait du score de la RENACO tant à la présidentielle qu'aux législatives ont intérêt à ne pas s'appesantir sur ce résultat pour se considérer comme favori malgré l'effet d' attraction vers le vainqueur .

La tâche sera plus ardue qu'au premier tour et, la victoire se situera du côté de ceux qui auront mieux lu les signes du temps , décrypté l'humeur des électeurs au moment m et tiré les meilleurs enseignements du premier tour que la fortune sourira. Cependant il sied de noter que les résultats engrangés par JKK au premier tour n'ont pas été à la hauteur des ambitions affichées par sa famille politique qui jurait par un passage haut la main dès le premier tour de son chef de file . Malgré son avance indéniable , son plébiscite dans le Grand Kivu et ses scores impressionants dans les provinces dites d' Est ( Katanga et Province Orientale) , JKK a connu une véritable bérézina dans les provinces occidentales et centrales du pays , son score dans certaines circonscriptions étant humiliant pour un chef d' Etat sortant comptant plus de cinq ans d'exercice du pouvoir d' Etat ... La tâche au second tour consistera pour le président sortant et sa famille politique de garder intacte sa main levée sur l'électorat de la partie orientale tout en parvenant à s'arroger le vote d'une bonne partie de ses administrés de l' Ouest et du Centre . Un exercice périlleux mais pas du tout utopique à condition d'utiliser le plus efficacement la tryptique des 3 M ( Men , Material , Management) si chère aux managers anglo saxons c'est à dire disposer et utiliser avec la plus grande efficience les hommes , les moyens matériels et financiers ainsi que la direction de campagne qui devra être confiée à des personnes rompues à l' art de la propagande car n'est pas propagandiste qui le veut .

Tentons en premier lieu de comprendre les causes de la débâcle de JKK à l' Ouest et dans le Centre

Comment le fils du regretté Mzee que Kinshasa a pleuré comme jamais un homme ne l' a été dans l'histoire de l' ex Zaire a t il pu devenir honni dans le coeur des kinois ? Comment JKK qui a par le biais du BCECO et de la Banque Mondiale permis la réhabilitation de la route Matadi Kinshasa , artère d'intérêt vital pour l'ex province du Kongo Central ne récolte t il que près de 12 % des suffrages dans cette province ? Comment lui qui a nommé un fils Kongo à une des vice présidences du gouvernement de transition , lui qui a réhabilité la mémoire délaissée d'un digne fils Kongo en la personne du président Kasa Vubu par la construction d'un mausolée digne de son rang , lui qui a communié plus d'une fois avec les kimbanguistes dans leur sainte cité de Nkamba au point de frustrer la puissante église catholique qui dû monter sur ses grands chevaux pour revendiquer sa place de première force religieuse du pays , lui qui a même pris pour moitié une fille kongo n' arrive t il pas en tête ou du moins ne fait pas figure honorable dans la province unique débouché maritime du pays ? Pourquoi JKK qui a élevé aux plus hautes charges de l' Etat force filles et fils du Bandundu fait il piètre figure dans cette province ?

Tentons de relever les différentes erreurs commises par l'équipe de communication de JKK .

Une stratégie communicationnelle mal ficelée

L'un des premiers principes en marketing politique est d' apprendre à connaître ses électeurs , définir leur profil , appréhender les enjeux qui les intéressent , scruter leurs différentes attitudes face à vos adversaires sur le terrain et jauger leur humeur du moment . Un vrai travail scientifique éxigeant une application méthodique , véritable audit qui doit être fait en amont afin de jeter les bases sur lesquelles toute la machine marketing va s'étaler . Pareil travil a t il été entrepris par l'équipe de campagne de JKK ? Pas du tout .

Si le positionnement est défini comme la place qu'on veut occuper dans l'esprit du consommateur ou de l'électeur après la campagne , on serait tenté de dire que celui choisi par l' état major de campagne de JKK à savoir " artisan de la paix et de l'unité nationale" a placé le président sortant dans le costume de "pacificateur" d'où le vote massif des populations des provinces exsangues de l'Est , régions martyres longtemps demeurées sous le joug des agresseurs rwandais et ougandais et leurs affidés locaux , qui ont démontré leur aversion face à l'establishment étiquetté pro Kigali représenté par le RCD Goma . Au vu des résultats , la logique voudrait que le positionnement tout à fait crédible choisi par l'équipe de campagne de de JKK ait merveilleusement fonctionné à l' Est alors qu' à l' Ouest il a connu un écho des plus décevants . Cette disparité des résultats révèle une triste vérité de plus en plus acceptée par les professionnels et analystes politiques familliers du marigot politique congolais : l' équipe de campagne de JKK n' a pas réellement battu campagne , les voix obtenues par ce dernier ne tiennent qu' à sa personne et au bilan globalement positif qu'il défend . Au lieu d'une campagne sérieuse , on a assisté à une campagne spectacle où la forme primait sur le fond où l'impact du message a été souvent négligée au profit d'une conviction et d'une adhésion or avant qu'il y ait conviction ou adhésion , il faut que perception et acceptation du fond du message précédent . Ce qui n' a pas été compris car comment avec un bilan globalement positif comme celui de JKK que beaucoup de chefs d' Etats africains envieraient à savoir la pacification et l'unité du pays , la fin de l'isolement diplomatique par le renouement avec les institutions de Bretton Woods et la tenue des premières éléctions générales , l'objectif du premier tour n'a pas été atteint , le second tour s' annonçant aussi incertain ?

Ce n'est pas tout car en communication , il faut un travail de veille sur la concurrence et prévoir des scénarios de crise pour parer aux attaques ennemies . Dans l'équipe de campagne de du JK , cet axiome de base semble inconnu car les attaques sur la congolité et la filiation du président n'ont pas connu un retour de manivelle conséquent laissant place à des soubresauts de déclarations peu crédibles qui étaient oubliées dès que le fracas assourdissant et efficace des adversaires se faisait reprennait de plus belle .Aucune stratégie. Une erreur qui ne pardonne pas , les adversaires de JKK ayant fait de la congolité et de la filiation présidentielle une pièce maitresse de leurs plans de communication tout en profitant des moindres vides laissés pour faire mouche . Autre erreur de l'équipe de communication , c'est d'avoir manqué lors du mariage de JKK de le rapprocher de son peuple en célèbrant la cérémonie dans un cadre strictement privé or une célébration nationale et médiatisée aurait lézardé le mur de froid entre Kabila et le peuple , ce dernier pénètrant l'intimité de son président en participant à cette cérémonie sacrée .

Les hommes

Le choix des animateurs est d'importance fondamentale dans le déroulement d'une campagne électorale. Un des tendons d' achille de la famille politique de JKK se situe à ce niveau . Division , népotisme , favoritisme et egocentrisme sont les principales anti valeurs caractérisant les différents cercles gravitant autour du magistrat sûpreme donnant une impression d'un pouvoir Capharnaum où différents clans montés les uns contre les autres se disputent les faveurs du parrain .... Un spectacle désolant . Cette atmosphère nocive à la prise de décisions privilégiant le bon sens ainsi qu' à l'éclosion d'idées constructives tout en favorisant flargoneries et boniments , est pour beaucoup dans la déconfiture de JKK à l' Ouest et dans le Centre .

Au Bandundu , JKK a cédé aux chants de sirènes d' une frange de ses collaborateurs originaires de la région qui lui promettait une victoire à plate couture . Résultats des courses , JK obtient un peu moins de 60000 voix sur près de deux millions de votants . Un vrai désastre . Les Kimbunda , Mbemba et autres que JKK a élevé aux plus hautes charges de l' Etat portent la pleine responsabilité de ce cuisant échec d'autant plus qu'ils ont reçu d'importants moyens pour assurer la victoire du président sortant . Leur vraie dimension politique auparavant surevaluée est aujourd'hui découverte non seulement par la médiocrité des résultats de JKK mais aussi par leur difficulté à se profiler comme force politique dans leur terroir au vu des résultats législatifs .

A Kinshasa , la récolte est maigre pour JKK . Il n' arrive qu'en troisième position battu à plate couture par JPB et Gizenga , ne recueillant dans les quatres circonscriptions de la capitale que le tiers des voix du chairman du MLC . Une vraie correction alors que moyens financiers , humains et logistiques étaient conséquents . Une fois de plus , un élément de la tryptique 3M était défaillant : les hommes.

Directrice de campagne pour l' AMP à Kinshasa , Lukiana a sué eau et sang pour décrocher son strapontin parlementaire avec un peu plus de 8000 voix soit 1, 2 % des 630000 votants de Kinshasa 4 , une contre performance pour la directrice de campagne de JKK qui a reçu des moyens colossaux pour dompter Kin la faiseuse des rois . Son colistier de ministre des Finances , Marco Banguli , kabiliste de la treizième heure n'a pas eu plus de chances , il a échoué dans sa quête du titre de député . Le soi disant roi des Batéké déclaré leader de la Tshangu , fort de son rôle d'argentier n' a même pas pu glaner 10000 voix sur 630000 ... Un vrai fiasco . La supercherie kinoise ne s'arrête pas là. Les Motemona , Kimbuta et autres du CODEK , qui promirent de livrer Kinshasa à JKK sur un plateau d'argent ont tous râté sans oublier le numéro un de la ville Kimbembe et les ex gouverneurs Muzungu et Nku Imbie qui ne sont pas arriver à conquérir les coeurs des kinois , tout un symbole .

Au Bas Congo , JK récolte 12 % des suffrages soit moins de 120000 voix ! Une portion congrue par rapport aux efforts déployés . Là aussi le manque criant d'hommes d'envergure éxperimentés a causer la déroute de JK . Pointé du doigt , Tsasa Di Tumba , gouverneur de province PPRD se perd en conjectures rejettant la faute sur les responsables provinciaux de l' AMP qui d'après lui n'ont pas été ressentis par la population kongo , version que ces derniers refutent tout en accusant le gouverneur d'avoir prêté le flanc aux opposants de l' AMP en reprimant sanglantement les adeptes de la secte Bundu Dia Kongo le 30 juin dernier à Matadi . Un vrai dialogue de sourds .

JK , lui même

Réservé , froid , distant , peu loquace , JK a lui même creusé l' abysse qui le sépare de ses administrés de l' Ouest et du Centre paradoxalement régions sous son contrôle durant la période pré 1 + 4 . Le Général de Gaulle ne disait il pas qu' une éléction présidentielle était la rencontre entre un homme et un peuple , ce qui sous entend pour cet homme un élan sincère et véritable vers son peuple qu'il doit charmer , apprivoiser .

Dans la tenue de cette campagne électorale , comme dit plus haut on a ressenti un contact quasi charnel avec les populations de l' Est alors qu' avec celles de l' Ouest et du Centre , la relation semblait enrayée et empêchée . La barrière linguistique serait elle la cause de ce manque de symbiose , le président étant plus à l'aise en swahili ? Il est vrai que le véhicule linguistique est d'une importance capitale dans la transmission des idées et des pensées ce qui n'a pas empêché le Mzee d'être en parfaite osmose avec les populations kinoises , kongo et équatoriennes . Le vrai problème est le mutisme , la froideur affichée par JK qui couplés aux rumeurs sur sa filiation et sa congolité forment un boulet qui s' alourdit de jour en jour et ralentit son avancée . Dans une société de tradition orale où les positions et opinions du chef sont sacrées , appliquer un profil bas relève du suicide médiatique et ne peut que prêter le flanc aux attaques vitriolées et autres rumeurs de tout genre . C'est un espace propice aux flingueurs à vue qui ne le râtent pas . JK doit donc tomber ce masque de froideur et de résèrve qui le caractérise pour se présenter sous un visage de président extraverti , ouvert et naturel car s'il a perdu dans toute cette partie , la distance et la froideur y sont pour beaucoup une image n'étant pas le fruit du hasard mais bien le produit d' un travail dans le temps .

Une direction éclatée et inexpérimentée

Qui a dirigé la campagne du premier tour de JK ? Peu de gens peuvent vous citer un ou des noms alors que les directeurs de campagne adverses étaient tous connus . En effet , l' AMP a décidé la mise en place d'un directoire de campagne composé de plusieurs membres châpeautant des directeurs de campagne provinciaux . Quand on connait la famille politique kabiliste où tout le monde veut tirer la couverture de son côté , où tout le monde se déclare detenir la science infuse , on s'imagine le bazar que ce directoire national a été . Les résultats obtenus le prouvent bien . Il faut aussi noter que la naissance tardive de l' AMP à un mois à peine de l' écheance du premier tour n'a pas contribué à faciliter les différentes mises à niveau sur le plan stratégique et communicationnel . Il aurait fallu désigner un directeur de campagne national blanchi sous le harnais de la propagande , dépositaire de la vision communicationnelle et coordonnateur de toute la machine électorale qui aurait permis la transmission d'un message cohérent , profond et compris par la population.

Congoscope.blogspot.com

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Excellente analyse si votre expértise était prise en compte on en serait pas la ...

7:08 PM  
Anonymous Anonyme said...

Kabila et Gizenga tous deux peu diserts auront besoin de personnel qualifié en communication , c'est un des enjeux majeurs de leur législature , aidez les c'est bien ...

1:44 PM  

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