Congoscope

Blog de l'actualité congolaise online , haut lieu du choc d'idées et de concepts pour le décollage de notre cher et beau Congo.

mercredi, décembre 06, 2006

ANALYSE : « Je t’aime , moi non plus ou les amours freudiennes entre Bruxelles et Kinshasa »

EDITED AND REISSUED VERSION

By Michael Sakombi

Congoscope.blogspot.com

1-

La prestation de serment du premier président élu de la RD Congo a connu la participation d’importantes délégations étrangères conduites pour quelques unes par des chefs d’ Etats – africains exclusivement- et de gouvernement et d’autres par des hauts fonctionnaires et ministres . Exceptionnellement , la Belgique , ancien pays colonisateur était représentée par la plus forte délégation ministérielle , avec le Premier ministre, Guy Verhofstadt, les ministres des Affaires étrangères Karel de Gucht, de la Défense, André Flahaut, de la Coopération, Armand De Decker, la secrétaire d'État à la Famille Gisèle Mandaila, le président du parlement wallon José Happart, et la ministre des Relations internationales de la Communauté française, Marie-Dominique Simonet sans oublier le Commissaire européen – wallon- Louis Michel . Ce signal politique fort marque –t-il la fin de ce feuilleton burlesque vieux de plus de quarante ans entre les deux Etats ou est-ce une une lune de miel de plus qui finira par un énième divorce fracassant pour ne pas changer ? A cet effet , nous revenons sur la genèse et le déroulement de cette énigmatique relation entre l’ex Zaire et le Belgique fédérale par une séquence d’articles en rappellent les points forts .

Premier Volet : Mobutu et la Belgique ou la passion face à la raison ( du 24 novembre à la zairianisation)


24 novembre 1965 . Le général Mobutu , comme il aimait si bien le dire , s’empare du pouvoir afin de mettre fin à la guerre civile , stopper l’amateurisme et les ambitions démesurées des politiciens congolais de l’époque . En effet , le président Kasa – Vubu et son premier ministre Moise Tshombe s’entredéchiraient pour la conquête de la magistrature suprême , les parrains belges du nouvel homme fort de Léopoldville ne cachent pas leur satisfaction , croyant que Mobutu remettrait en scelle leur protégé katangais Moise Tshombe . Nenni . Le Commandant en chef de l‘Armée Nationale Congolaise fait fi de toutes les recommandations provenant de l’ancienne colonie et appliquant le principe de la « tabula rasa » s’attaque même dans ses premiers gestes politiques aux intérêts de ces derniers : Il fustige les accords signés à l’arrachée entre l’ex métropole et les gouvernements Adoula et Tshombe consistant à la subtilisation au nouvel Etat congolais des droits de propriété sur des compagnies jadis de droit congolais et concèdant à la Banque Nationale de Belgique un droit de perception sur les coffres de son égale congolaise , nouvellement créée . Bruxelles demande la réouverture d’un « dialogue » . Dans le courant de l’année suivante , un accord semble se dessiner pour faire le transfert au Congo des titres de propriétés sur Platarundi ( société de commerce et plantations au Rwanda Urundi) et Géorwanda ( société géologique et minière du Rwanda urunfi) mais il est buté à l’obstination belge de reconnaître les droits gelés subrepticement au Congo , à la veille de son indépendance sur la Sabena , la Forminière ( société internationale forestière et minière du congo) , la Sominki ( société minière de Kilo Moto) , l’ Unatra ( union nationale des transports fluviaux) ainsi que sur des sociétés minières du Kasai , du Luebo et de la Lueta . Le 17 mai 1966 , la Belgique autorise la désignation d’un congolais à la tête du Fonds belgo congolais dont le siège demeure à Bruxelles . Ce revirement ne se fait pas sans contrepartie : La Banque Nationale de Belgique continuera à puiser tous les mois sur les caisses de la Banque Nationale du Congo pour l’alimentation dudit fonds .

Début 1967 . Le président Mobutu assoit progressivement son régime et attribue la propriété exclusive du sol et sous-sol à l’ Etat , décidant en ricochets , la dissolution de l’Union Minière Haut Katanga et invitant fermement les compagnies étrangères ayant des activités au Congo d’y transférer leurs sièges . La principale cible de cette décision est la flamboyante Société Générale . Bruxelles entre dans une ire et dépêche à Kinshasa , son ministre des affaires étrangères , Pierre Harmel que Mobutu refuse énergiquement de recevoir . Le ton monte mais la Belgique joue la prudence , les intérêts dans l’ancienne colonie sont colossaux .

1971 . Mobutu lance le concept des « 3Z » , Zaïre devient le nom du pays , de la monnaie et du majestueux fleuve , épine dorsale de ce sous continent , tournant définitivement la page obscure du Congo post indépendance . L’homme du 24 novembre ne s’arrête pas au cosmétique , il veut un profond changement du « citoyen zaïrois » face à l’aliénation psycho sociale emmenée par les colons , la politique de retour à l’authenticité est lancée , l’ Eglise Catholique n’ a plus droit de cité . Bruxelles aboie , sans plus …

1973. Devenu dans la foulée de l’ authenticité , Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Waza Banga , il prendra la décision la plus dommageable pour son régime , au regard du rétroviseur de l’ Histoire : la « zaïrianisation » , nationalisation forcée de la majorité des entreprises appartenant aux étrangers et partagées entre caciques du régime et membres de sa cour . La Belgique proteste énergiquement et le maître de Kinshasa suspend « provisoirement » le traité d’amitié liant les deux Etats . Parallèlement à cette décision , véritable hara kiri du Parti Etat , Mobutu applique fidèlement le principe « un régime , deux politiques » de par l’ancien premier camarade de Beijing , Deng Xiaoping , en consentant de larges facilités à certaines belges bien ciblées telles la Société Générale qui obtient le droit de commercialiser le cuivre du Katanga . De ce geste ne se dégage pas une simple faveur mais bien un signe de lézarde de l’establishment « zairianisé » . En effet , les nouveaux « chefs d’entreprise » dont la plupart n’ont aucune notion managériale , ont sérieusement écrémé les entreprises gracieusement héritées des « étrangers » , les précipitant en des délais records dans le gouffre du dépôt de bilan et drainant la jeune et prometteuse économie zaïroise dans un désastre économique sans précédent .

Second volet en ligne demain : Le point de non retour ( 1981 – 1997 )