Congoscope

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samedi, décembre 16, 2006

Second volet : Le point de non retour

Second volet : Le point de non retour


5 mai 1981 . Sans doute ébloui par les travaux pharaoniques du barrage d’Inga , Wilfried Martens , Premier ministre belge , lâchera une des déclarations les plus féeriques d’un homme d’Etat à l’égard du Zaïre : « J’aime ce pays , j’aime ses dirigeants , j’aime sa population ! » , confortant ainsi Mobutu dans sa thèse ‘’ la petite Belgique ne peut se passer du Grand Zaïre’’ , d’ailleurs ‘’ la ville belge d’ Hobocken ne vit elle essentiellement pas du cuivre zaïrois qui y occupe 15000 travailleurs ? ‘’ . Sans doute obnubilé par ce genre de déclarations intéressées, l’ homme de l’ authenticité pensera donc par le biais des accords commerciaux bilatéraux Zaïre Belgique , détenir l’ anneau de Gygès , anneau qui selon la mythologie grecque conférait à son détenteur une impunité sans faille , et se mettra à pérorer sur la ‘’ petite Belgique’’ en menaçant de façon récurrente ses intérêts au Congo . Il sera vite désillusionné. En l’absence d’un retour de manivelle conséquent de la classe politique belge pour la plus grande partie ankylosée à coup de franc belge et de zaïre monnaie par le Parti Etat , face aux sempiternelles provocations de Mobutu , la presse belge prendra ses responsabilités en tant que quatrième pouvoir et avec un patriotisme étonnant dans ce royaume plat de bisbrouilles communautaires intermittents fera de Mobutu et ses excès vaniteux une de ses cibles de prédilection . La fortune du Président Fondateur est évaluée par les uns à six milliards, neuf pour les autres , ses luxueuses résidences en Belgique , Suisse , France et autres pour la première fois révélées au grand public , ses réceptions fastueuses en Europe passées au crible d’une évaluation digne des cabinets d’audit les plus réputés . Un vrai pavé dans la marre , Mobutu étant ouvertement accusé de détourner l’aide au développement au détriment de la population zaïroise croupissant dans la misère la plus noire .

Novembre 1988 . Acculé et froissé par les révélations de la presse belge, Mobutu devenu dans l’entre temps Maréchal décidera de rouvrir le poussiéreux dossier vieux de plus de trente ans du « contentieux belgo zaïrois » . Bruxelles lui fait remarquer, le 14 janvier 1989 , que de son propre chef , il avait décidé de clore le dossier . Réponse du berger à la bergère de Kinshasa qui dénonce tout le contenu des accords Spaak Tshombe de 1965 , martelant « la fraude corrompt tout. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour se faire reconnaître un droit » , exigeant la réouverture du dossier comme préalable à toute négociation avec la Belgique devenue fédérale . Bruxelles refuse clairement, il faudra les bons offices de feu Hassan II , roi du Maroc , pour décrocher un mezzo termine rendu rapidement caduc l’année suivante .

24 avril 1990. Mobutu siffle la fin du monopartisme et déclare ouverte l’ère de transition démocratique , laquelle connaîtra une kyrielle de gouvernements de transition lézardant encore plus l’image déjà ternie du Maréchal Mobutu totalement convaincu d’être la victime d’un complot ourdi par quelques dirigeants belges , Wilfried Martens en tête , lui qui dix ans auparavant fit une tonitruante déclaration d’amour sur le Zaïre et son régime révèle que le ‘’ gouvernement belge ne considère plus comme persona non grata celui qui désormais est appelé « Monsieur Mobutu » par les autorités belges ‘’ .

La scabreuse affaire du « massacre des étudiants de Lubumbashi » portera le coup d’estocade aux relations belgo zaïroises agonisantes , Bruxelles accusant Mobutu de violations des droits de l’homme , ce dernier furieux renvoie chez eux les coopérants belges au développement et volontaires , poussant la Belgique à suspendre sa coopération bilatérale … S’en suit la descente aux enfers du régime zaïrois avec la déliquescence de son tissu socio économique après deux mutineries avec pillages , une démonétisation désastreuse du zaire monnaie , un tohu-bohu politique indescriptible et une rébellion armée sans pitié , mettant fin à l’épisode zaïrois . Bruxelles prenant note avec "enchantement" de l'exil de Mobutu .

mercredi, décembre 06, 2006

ANALYSE : « Je t’aime , moi non plus ou les amours freudiennes entre Bruxelles et Kinshasa »

EDITED AND REISSUED VERSION

By Michael Sakombi

Congoscope.blogspot.com

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La prestation de serment du premier président élu de la RD Congo a connu la participation d’importantes délégations étrangères conduites pour quelques unes par des chefs d’ Etats – africains exclusivement- et de gouvernement et d’autres par des hauts fonctionnaires et ministres . Exceptionnellement , la Belgique , ancien pays colonisateur était représentée par la plus forte délégation ministérielle , avec le Premier ministre, Guy Verhofstadt, les ministres des Affaires étrangères Karel de Gucht, de la Défense, André Flahaut, de la Coopération, Armand De Decker, la secrétaire d'État à la Famille Gisèle Mandaila, le président du parlement wallon José Happart, et la ministre des Relations internationales de la Communauté française, Marie-Dominique Simonet sans oublier le Commissaire européen – wallon- Louis Michel . Ce signal politique fort marque –t-il la fin de ce feuilleton burlesque vieux de plus de quarante ans entre les deux Etats ou est-ce une une lune de miel de plus qui finira par un énième divorce fracassant pour ne pas changer ? A cet effet , nous revenons sur la genèse et le déroulement de cette énigmatique relation entre l’ex Zaire et le Belgique fédérale par une séquence d’articles en rappellent les points forts .

Premier Volet : Mobutu et la Belgique ou la passion face à la raison ( du 24 novembre à la zairianisation)


24 novembre 1965 . Le général Mobutu , comme il aimait si bien le dire , s’empare du pouvoir afin de mettre fin à la guerre civile , stopper l’amateurisme et les ambitions démesurées des politiciens congolais de l’époque . En effet , le président Kasa – Vubu et son premier ministre Moise Tshombe s’entredéchiraient pour la conquête de la magistrature suprême , les parrains belges du nouvel homme fort de Léopoldville ne cachent pas leur satisfaction , croyant que Mobutu remettrait en scelle leur protégé katangais Moise Tshombe . Nenni . Le Commandant en chef de l‘Armée Nationale Congolaise fait fi de toutes les recommandations provenant de l’ancienne colonie et appliquant le principe de la « tabula rasa » s’attaque même dans ses premiers gestes politiques aux intérêts de ces derniers : Il fustige les accords signés à l’arrachée entre l’ex métropole et les gouvernements Adoula et Tshombe consistant à la subtilisation au nouvel Etat congolais des droits de propriété sur des compagnies jadis de droit congolais et concèdant à la Banque Nationale de Belgique un droit de perception sur les coffres de son égale congolaise , nouvellement créée . Bruxelles demande la réouverture d’un « dialogue » . Dans le courant de l’année suivante , un accord semble se dessiner pour faire le transfert au Congo des titres de propriétés sur Platarundi ( société de commerce et plantations au Rwanda Urundi) et Géorwanda ( société géologique et minière du Rwanda urunfi) mais il est buté à l’obstination belge de reconnaître les droits gelés subrepticement au Congo , à la veille de son indépendance sur la Sabena , la Forminière ( société internationale forestière et minière du congo) , la Sominki ( société minière de Kilo Moto) , l’ Unatra ( union nationale des transports fluviaux) ainsi que sur des sociétés minières du Kasai , du Luebo et de la Lueta . Le 17 mai 1966 , la Belgique autorise la désignation d’un congolais à la tête du Fonds belgo congolais dont le siège demeure à Bruxelles . Ce revirement ne se fait pas sans contrepartie : La Banque Nationale de Belgique continuera à puiser tous les mois sur les caisses de la Banque Nationale du Congo pour l’alimentation dudit fonds .

Début 1967 . Le président Mobutu assoit progressivement son régime et attribue la propriété exclusive du sol et sous-sol à l’ Etat , décidant en ricochets , la dissolution de l’Union Minière Haut Katanga et invitant fermement les compagnies étrangères ayant des activités au Congo d’y transférer leurs sièges . La principale cible de cette décision est la flamboyante Société Générale . Bruxelles entre dans une ire et dépêche à Kinshasa , son ministre des affaires étrangères , Pierre Harmel que Mobutu refuse énergiquement de recevoir . Le ton monte mais la Belgique joue la prudence , les intérêts dans l’ancienne colonie sont colossaux .

1971 . Mobutu lance le concept des « 3Z » , Zaïre devient le nom du pays , de la monnaie et du majestueux fleuve , épine dorsale de ce sous continent , tournant définitivement la page obscure du Congo post indépendance . L’homme du 24 novembre ne s’arrête pas au cosmétique , il veut un profond changement du « citoyen zaïrois » face à l’aliénation psycho sociale emmenée par les colons , la politique de retour à l’authenticité est lancée , l’ Eglise Catholique n’ a plus droit de cité . Bruxelles aboie , sans plus …

1973. Devenu dans la foulée de l’ authenticité , Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Waza Banga , il prendra la décision la plus dommageable pour son régime , au regard du rétroviseur de l’ Histoire : la « zaïrianisation » , nationalisation forcée de la majorité des entreprises appartenant aux étrangers et partagées entre caciques du régime et membres de sa cour . La Belgique proteste énergiquement et le maître de Kinshasa suspend « provisoirement » le traité d’amitié liant les deux Etats . Parallèlement à cette décision , véritable hara kiri du Parti Etat , Mobutu applique fidèlement le principe « un régime , deux politiques » de par l’ancien premier camarade de Beijing , Deng Xiaoping , en consentant de larges facilités à certaines belges bien ciblées telles la Société Générale qui obtient le droit de commercialiser le cuivre du Katanga . De ce geste ne se dégage pas une simple faveur mais bien un signe de lézarde de l’establishment « zairianisé » . En effet , les nouveaux « chefs d’entreprise » dont la plupart n’ont aucune notion managériale , ont sérieusement écrémé les entreprises gracieusement héritées des « étrangers » , les précipitant en des délais records dans le gouffre du dépôt de bilan et drainant la jeune et prometteuse économie zaïroise dans un désastre économique sans précédent .

Second volet en ligne demain : Le point de non retour ( 1981 – 1997 )